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M.D. Popescu. Les couleurs de l’hirondelle Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
07-01-2012

 Marius Daniel Popescu, Les couleurs de l’hirondelle, José Corti, 2012

 Les faits et les objet

 

 La symphonie du loup, le précédent roman de Marius Daniel Popescu (José Corti, 2007), débutait par la mort du père ; Les couleurs de l’hirondelle commence et finit (presque) par l’enterrement de la mère. Entretemps, le puzzle narratif se met en place, mêlant le passé (l’enfance et la jeunesse au « pays du parti unique », la Roumanie jamais nommée) et le présent (la vie quotidienne dans le pays d’adoption, la Suisse tout aussi anonyme, les jeux avec l’enfant, le travail, le retour dans la famille pour les funérailles, et aussi le livre en train de s’écrire…). Aucune transition entre les épisodes; placés les uns à côté des autres comme les affiches que colle le narrateur ou comme les cases du jeu de bataille navale qu’évoquent les dernières lignes, chacun d’entre eux est une histoire, un poème, un exercice de style à soi seul.

Exercice et art poétique en même temps. Par exemple : « Tu te dis que tu viens d’écrire un texte avec une fille et une femme, avec de la poésie et de la prose dans ses mots, avant les mots que tu viens d’écrire, avant les mots que tu vas écrire, il y a une sorte d’embryon du texte à venir, du texte publiable-publié et tu places cet embryon avant que les mots commencent à s’inscrire quelque part : toute écriture nécessite des perceptions, des plans ou des spontanéités mentales qui forment dans ton cas le début de chaque texte : une fois que tu commences à transformer en mots l’embryon du texte, tu te soumets à des règles qui bouleversent cet embryon, qui lui proposent de grandir, de devenir texte publiable en suivant des chemins qu’on appelle mots et qui, bizarrement, s’articulent entre eux sans former de carrefours, de places, de trottoirs ». Les mots, mis à rude épreuve, sont là pour exprimer les perceptions, non pour s’imposer, et c’est bien de cela qu’il s’agit: prendre conscience de ce qu’est la vie, dans son unité et sa diversité, dans ses manifestations mentales, affectives, physiques. Elle est faite de ces petites et grandes réalités que l’homme perçoit dans sa conscience et dans son inconscient, dans la mémoire de son esprit et de son corps, et qui voyagent comme un oiseau à qui l’on donne les couleurs du temps. Cela va de l’oppression politique odieuse et bête à la « révolution » vite confisquée par le règne de l’argent, de la misère et de la corruption ; des rideaux de lettres, qui en s’entrouvrant laissent apercevoir quelques mots, aux ensembles d’objets peuplant une existence humaine ; des jeux de l’enfance campagnarde à la confection d’un journal poétique, Le persil

Les faits et les objets. C’est en eux, par eux, avec eux, apparemment livrés à l’état brut, en réalité répartis avec minutie comme des notes sur une portée musicale, que se crée l’émotion, par l’intercession des mots innombrables peuplant les phrases d’un récit que la mémoire n’en finit pas de prolonger, comme après un beau concert.

 Jean-Pierre Longre

 Un site à visiter : jose-corti.fr

 
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