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Matei Visnier. Lettres d'amour à une princesse chinoise Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
11-10-2012

Matéi Visniec, Lettres d’amour à une princesse chinoise, Actes Sud-Papiers, 2012

Tableaux de la fa(m)ille humaine

Tout est possible au théâtre, et dans son œuvre entière Matéi Visniec le prouve, qui sait à merveille mettre en scène les relations sociales, sentimentales, familiales, les idées, l’érotisme, la politique, la morale, la violence, la mort… Mettre en scène, c’est-à-dire faire en sorte qu’à travers les paroles, les gestes, les silences des personnages, les questions restent posées, avec leur évidence cruciale et leur complète incertitude.

Il ne s’agit évidemment pas d’asséner des réponses. Dans les huit brèves pièces de ce nouveau volume, dont le titre poétique est emprunté à celui de la première, beaucoup de tirades, quelques monologues et dialogues, montrent à mots couverts et en d’énigmatiques paraboles la complexité du monde et des êtres. Comment deux « Maisons florales », l’une plutôt nationaliste, l’autre plutôt internationaliste (dirons-nous pour schématiser) alternent rivalités sans concessions et tentatives de concertation pour servir leur gouvernement. Comment le cœur et le corps, le sentiment et le désir, la honte et l’impudeur sont à la fois moteurs et obstacles dans la vie d’un couple. Comment révolutions, contre-révolutions et fermes résolutions se noient dans la brutalité. Comment la mort, aux yeux des enfants, n’est pas aussi tragique qu’on le croit (« Mourir, chez nous, il paraît que c’est vraiment inoubliable ») !

Pas de réponses donc, pas de démonstrations non plus. Chaque pièce est un véhicule qui nous transporte vers des espaces étranges et révélateurs. Nous voici dans un empire chinois où seules les fleurs semblent avoir de l’importance ; dans une gare perdue où ne passe aucun train ; en promenade prometteuse et lente sur un corps féminin ; dans une « baignoire révolutionnaire » ; sur un littoral aux falaises vivantes ; dans un magasin de chaussures où les femmes se laissent prendre au piège… Et, comme toujours chez Visniec, la peinture de la famille humaine et de ses failles, la poésie et la musique des mots, l’humour plus ou moins voilé, la magie narrative, le jeu de l’imaginaire.

Jean-Pierre Longre

Deux sites à visiter :

actes-sud.fr

visniec.com

 
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