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Savatie Bastovoi. Les lapins ne meurent pas Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
04-04-2013

 Savatie Baştovoi, Les lapins ne meurent pas. Traduit du roumain (Moldavie) par Laure Hinckel, Éditions Jacqueline Chambon, 2012

Une enfance soviétique

Avant son indépendance, la République de Moldavie était l’une des composantes de l’URSS, soumise comme les autres au culte de Lénine. Savatie Baştovoi, né en 1976 à Chişinau, capitale de la Moldavie, a dû vivre les péripéties d’une enfance soviétique, jusqu’à être interné en hôpital psychiatrique alors qu’il était lycéen. Après 1990, devenu poète et prosateur, il étudie la philosophie, puis se fait moine – ce qui ne l’empêche pas de participer à la vie artistique et littéraire de son pays.

Les lapins ne meurent pas est l’histoire, racontée par lui-même au discours indirect, d’un petit garçon de neuf ans, Sasha, qui malgré sa nature un peu marginale et son amour pour la forêt, se laisse séduire par les slogans et les manifestations de l’État communiste. L’école est pour lui à la fois le creuset de sa croyance aveugle et un monde hostile, qui le rejette parce qu’il ne se coule pas complètement dans le moule prétendument égalitaire : venant de la campagne, il arrive régulièrement en retard en classe, avec son odeur de cochon, ses facéties et ses maladresses.

Il n’empêche. La fausse naïveté est un savoureux mode de dénonciation de la propagande soviétique. Par exemple : « Les enfants américains ne voient jamais l’ombre d’un sucre. Ils travaillent chez le bourgeois toute la journée et pour tout salaire ils sont battus à coups de fouet et vivent dans des sous-sols. C’est pourquoi nous, les enfants, nous devons être heureux de vivre en Union Soviétique, de pouvoir apprendre en paix et de manger du beurre et du pain… ». Et il ne s’agit pas que de satire politique ; il s’agit aussi de l’enfance, de ses attentes et de ses impatiences : « Le temps passait lentement, mais vite. C’est ainsi que Sasha sentait le temps passer. Quand il pensait à la date du 22 avril, le temps semblait couler lentement. Mais quand il pensait à autre chose, le temps passait vite. C’était toujours comme ça quand il attendait quelque chose. Jamais le temps ne passait vite. Et quand il n’attendait rien, le temps passait à toute allure, si bien qu’il en voulait au temps. Même s’il savait que ce n’était pas sa faute, au temps. ».

Et lorsqu’on assiste aux promenades d’un père et de sa fille dans un paysage plein de fleurs, ou aux dialogues absurdes entre Vladimir Ilitch (Lénine) et un garde forestier, nous sommes plongés dans une poésie qui, là encore, nous fait pénétrer par des chemins détournés dans le monde factice du mensonge politique et universel.

Jean-Pierre Longre

Un site à visiter : jacquelinechambon.fr

 
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