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N. Manucu, De Tristan Tzara... Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
28-06-2014

Nicole Manucu, De Tristan Tzara à Ghérasim Luca. Impulsions des modernités roumaines au sein de l’avant-garde européenne, Honoré Champion, 2014

Perspectives et paradoxes poétiques        

 Alors que la culture roumaine a, semble-t-il en surface, peu d’influence sur la vie intellectuelle européenne, les avant-gardes littéraires et artistiques du pays se sont imposées d’une manière radicale et décisive, notamment dans l’espace francophone. Le paradoxe méritait d’être souligné, approfondi, disséqué, et c’est ce que fait d’une manière claire et documentée Nicole Manucu en rappelant le rôle majeur joué par des artistes comme Brancusi, des écrivains comme Urmuz, Voronca, Fondane, et surtout par les deux poètes qui forment le sujet principal du livre, Tristan Tzara et Ghérasim Luca.

Il ne s’agissait pas pour Nicole Manucu de redonner la biographie de deux auteurs auxquels (surtout pour le premier) un certain nombre d’ouvrages ont déjà été consacrés. Il s’agissait surtout, en les prenant comme points d’appui, de montrer comment, dans les années 1920-1945, la Roumanie a été l’un des  creusets les plus fructueux de la modernité et de l’avant-garde européennes – cela en tenant compte des distinctions nécessaires entre les deux notions (ce qui justifie un chapitre théorique initial consacré aux « méandres » qu’elles suivent).

Après une première partie consacrée, donc, à la « modernité roumaine », à ses paradoxes et aux rapports étroits qu’elle entretient avec la francophonie et la francophilie, puis à l’avant-garde et à ses enjeux (l’occasion de présenter les grands créateurs, d’Urmuz à Tzara et Luca), l’auteur entre dans le détail de son propos concernant les « deux cosmopolites à outrance », qui « mettent en crise les vieux systèmes de la pensée et de la représentation et s’inscrivent dans cette perspective d’invention d’un nouveau langage », et qui « choisissent d’écrire et de créer dans la langue du pays d’accueil, en l’occurrence la France ». Tzara et Dada font l’objet d’une étude englobant les problèmes de réception de l’œuvre (liés à la contradiction entre ce que les programmes scolaires, par exemple, en font dans les manuels et son étrangeté à tous points de vue), tandis que sont mises en avant « force et violence » du langage chez Luca (et le meilleur moyen pour y parvenir est, comme on le constate ici, de citer abondamment les textes). Le tout est complété par des inédits du même poète conservés à la Bibliothèque Jacques Doucet, et par une abondante bibliographie.

Le livre de Nicole Manucu, issu d’un travail de recherche universitaire, fait notablement avancer la réflexion sur deux écrivains roumains qui occupent une place prépondérante  dans le monde de la modernité européenne et francophone. Mais, on l’a dit, il n’est pas question que de Tzara et Luca : les problématiques et les perspectives de l’ouvrage sont suffisamment générales et ouvertes (sur les plans historique, esthétique, littéraire, théorique etc.) pour intéresser un grand nombre de lecteurs.

Jean-Pierre Longre

Un site à visiter : honorechampion.com

 
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