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Sieranevada, C. Puiu Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
14-06-2016

A Lyon, pour 3 semaines, au cinéma  des Terreaux à partir du 3 Août 2016

Tous les jours à 14h00, 16h00, 18h00 et 20h00

Le dimanche: à 12h00, 14h00, 16h00, 18h00 et 20h00 

 

 			Sieranevada, de Cristi Puiu: Une comédie à l'italienne et à l'âme russe
 

Un Article de Pierre Murat, 12/05/2016, Télérama.

Au repas funéraire en mémoire du père disparu, la famille s'étripe et tout le monde craque… Sur un mode tragi-comique le cinéaste roumain Cristi Puiu, met en scène avec maestria un drame familial. Aussi extravagant que pathétique.

Des règlements de compte en famille, on en a vu beaucoup, au cinéma. Des cruels et des comiques. Les deux en même temps, pas souvent – et c'est bien ce que réussit Cristi Puiu dans Sieranevada, présenté aujourd'hui en compétition (par parenthèses, ne cherchez pas aucune raison logique à ce titre bizarre : il est aussi absurde que la Roumanie que montre le cinéaste).

Il nous avait bluffés, il y a dix ans, avec La Mort de Dante Lazarescu (Grand Prix Un certain regard, Cannes 2005), magnifique film où l'on suivait l'odyssée hospitalière d'un vieil homme, alcoolique et malade, qu'une infirmière tentait de faire admettre dans un nombre impressionnant de services d'urgence où les médecins – à part elle – étaient aussi débordés qu'indifférents. Peut-être est-ce l'unique faiblesse du réalisateur : ne pas avoir retrouvé un sujet aussi fort, aussi universel. La famille de Sieranevada a beau être extravagante et pathétique, elle a du mal à rivaliser avec les silhouettes éperdues de solitude de La Mort de Dante Lazarescu.

Reste que Cristi Puiu filme toujours avec la même maestria : dans l'appartement étroit où les membres du clan préparent le repas funéraire que tout bon orthodoxe se doit d'organiser 40 jours après la disparition d'un être cher, les portes s'ouvrent et se referment selon une chorégraphie méticuleuse, les verres et les assiettes entament, eux aussi, un étrange et permanent ballet, des plats cuisent indéfiniment, indifférents aux cris et larmes des participants qui s'engueulent à qui mieux mieux.

Peu à peu, Sieranevada devient une comédie vaudevillesque. Tout le monde a faim, tout le monde aimerait passer à table, mais nul n'y est autorisé avant l'arrivée du pope chargé de bénir êtres et lieux. Et le pope est en retard… Qui plus est, l'un des fils du disparu doit symboliquement revêtir un de ses costumes pour perpétuer son souvenir. Mais l'heureux élu flotte dans la chemise et le pantalon paternels. Il faut les retoucher ; ça prend du temps. On attend, on boit, on réfléchit : ils sont une vingtaine de fils, filles, cousins, voisins à se croiser et s'étriper dans ce lieu clos. L'une en a marre d'entendre une vieille peau lui vanter les mérites du communisme de jadis. L'autre, fan de toutes les théories complotistes sur Internet, en a assez de voir ses frères ne jamais contester, par lâcheté ou par peur, les thèses – mensongères, selon lui – des pouvoirs en place. La mère de famille tente de faire respecter les règles. Sa sœur, ivre morte, accuse son mari d'agresser sexuellement leur voisine…

Rires, larmes et intrigues multiples

Seul Robert Altman réussissait jusqu'ici – dans Un mariage, dans  Nashville, dans Gosford Park – à se glisser entre de multiples personnages, en perdre un sans jamais sacrifier l'autre, jouer avec plusieurs intrigues et plusieurs styles en même temps. Visiblement, il a trouvé un successeur digne de lui…

A un moment, on voit le héros de l'histoire – son fil rouge, en tout cas – et sa femme en venir aux mains, dans une rue, avec des hystériques pour cause d'une voiture mal garée. Menaces, insultes : on se croirait dans une comédie italienne à la Dino Risi ou Pietro Germi. L'instant d'après, toujours dans sa voiture, le héros s'écroule en larmes en évoquant à son épouse un souvenir d'enfance. Et l'on se retrouve en plein romanesque russe, avec un plan fixe tout simple qui, soudain, fait sourdre l'émotion. 

Un réalisateur qui passe aussi facilement du rire aux larmes est vraiment quelqu'un de bien.

Roumanie – France – Macédoine (2h53).

Scénario : C. Puiu.

Avec : Mimi Branescu, Judith State, Dana Dogaru. 

 

 
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