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Ioan Es. Pop. Sans issue Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
10-11-2010

 Ioan Es. Pop, Sans issue / Fără ieşire, anthologie poétique. Choix et traduction du roumain par Linda Maria Baros, L’Oreille du Loup, 2010

Dans le labyrinthe

 ioan popIoan Es. Pop, né en 1958, a publié de nombreux recueils en Roumanie, où il est devenu une figure marquante de la poésie, par la force et par l’originalité de son écriture. Pour le faire connaître du public francophone, il fallait opérer un choix représentatif, et en présenter une traduction fidèle à la lettre et à l’esprit, en regard du texte roumain. C’est chose faite, grâce à Linda Maria Baros, elle-même poétesse.

Il n’était sans doute pas aisé de restituer les proses rythmées, les vers brisés, les images surprenantes, les tableaux sanglants qui caractérisent les huit parties de cette anthologie. La poésie de Ioan Es. Pop est un incessant piège tendu au réalisme quotidien, au pittoresque citadin, à la description et à la narration classiques, à l’art du portrait. Toute tradition y est détournée au profit du fantastique, du morbide, de la trivialité ricanante. Une personnification, par exemple, peut tourner à la métamorphose désespérée :

 « dans la chambre il y a une horloge que hans nourrit en cachette.

tourne plus vite, lui murmure-t-il, tourne plus vite. »

 

ou encore :

 « la nuit un oiseau est entré par la fenêtre

j’étais sûr qu’il s’agissait de hans.

l’oiseau était chauve comme lui et ivre mort. »

 La boisson omniprésente, un recours ? Plutôt une fuite vers la mort, vers le néant : même « l’ami », sorte de Christ dévoyé, « se soûle et dort où ça lui prend » ; Dieu lui-même, comparable à celui de Lautréamont,

 « sentira diablement mauvais et le monde

l’évitera de loin.

il aura faim et on le trouvera allongé

derrière la HLM, la bouche grande ouverte

ruisselant d’abcès. »

Avec cela, inutile de préciser que le titre se justifie. La seule « issue » est l’absence d’issue, le seul chemin un labyrinthe. Toutefois, mènerait-il au néant, ce chemin existe et nous devons le suivre, suivre les mots du poète qui nous mènent là où nous devons aller, « même si c’est nulle part » :

« nous devons nous y rendre, mon cher compagnon,

même si momfa n’existe pas.

mais même si momfa n’existe pas

ou même si elle n’existe pas encore,

nous en approchons à chacun de nos pas. »

 

Resterait-il quelque espoir ?

  Jean-Pierre Longre

 

Un site à visiter: loreilleduloup.blogspot.com 

 
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