Alina Nelega. Amalia respire profondément
10-12-2012

Alina Nelega, Amalia respire profondément, traduit du roumain par Mirella Patureau, éditions L’espace d’un instant, 2012

Le jeu de la naïveté

 Alina Nelega, figure importante du théâtre roumain contemporain (en tant qu’auteur, metteur en scène et critique), donne ici à entendre la voix d’une femme, anti-héroïne typique, qui raconte en huit séquences monologuées sa destinée flottant sur les vagues de la société roumaine des dernières décennies. Une destinée au cours de laquelle le seul moyen pour elle de surnager, selon les préceptes qui lui a enseignés sa mère et les exercices qu’elle lui a fait faire, est de « respirer profondément » dans l’espoir de « devenir un jour un ange » - vœu exaucé, en quelque sorte, au dénouement.

Amalia, donc, évoque les grands épisodes de sa vie, depuis l’enfance bercée par les prétendus bonheurs de la discipline totalitaire jusqu’à la maison de retraite et au délire autorisé par ce qui se présente comme la « liberté » et la « démocratie »… Comment mieux dénoncer la dictature, l’oppression, l’embrigadement, la misère que par la parole naïve d’une victime qui ne se présente jamais comme telle et dont les prières, qu’elles s’adressent à Dieu ou au Parti (selon l’âge et l’époque), dévoilent, en une ironie involontaire, les abus et les ridicules de l’organisation politique et sociale ? En quelques scènes, tout y passe, dans un mélange de tonalités qui se succèdent et se marient tout naturellement.

Car ce « monodrame », destiné à la scène, est aussi une mosaïque qui combine avec beaucoup de bonheur (et d’efficacité) l’ironie, la satire, la poésie, la parodie, l’autobiographie, le pamphlet vengeur, la narration réaliste ou onirique, l’humour noir, le comique de situation… La parole d’Amalia, entre ses respirations profondes, résonne d’une réalité que seule l’écriture littéraire peut faire véritablement voir et sentir.

Jean-Pierre Longre

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